Les propriétés des choses de Frédéric Nef

Première publication, janvier 2007 (révisée août 2015)

L’année dernière (2006) est paru un livre de métaphysique en langue française (il faut le souligner le fait est rare), intitulé Les propriétés des choses : expérience et logique de Frédéric Nef (Ed. Vrin).

Dans cet ouvrage, Frédéric Nef poursuit son travail d’élaboration ontologique, ici en l’occurrence les propriétés.

Après avoir écrit sur l’objet (L’objet quelconque. Recherches sur l’ontologie de l’objet, Ed. Vrin, 1998) l’auteur entreprend de défendre une ontologie des propriétés particulières ou tropes.

Pour Nef, la réalité est non seulement indépendante de nos croyances, mais elle est appréhendable. Cette « saisie » de la réalité s’effectue sous la forme d’une série de qualités : les tropes. Ainsi, les tropes sont dites les « briques élémentaires » ou encore les « atomes métaphysiques »de la structure profonde du monde. Il écrit :

Un trope est une propriété individuelle, une propriété concrète. Un exemple peut faire comprendre intuitivement ce qu’est un trope. Je perçois un cahier rouge ; l’analyse que l’on peut faire de la perception de cet objet implique l’existence de tropes, car je perçois le rouge de ce cahier (i.e. ce rouge) et percevant ce rouge je perçois, du même coup, que ce cahier est rouge[1].

Et les universaux ? Pour un tropiste comme Frédéric Nef, ils sont des classes de propriétés particulières similaires. Quant aux objets… Sont-ils des faisceaux de tropes ou de simples porteurs de propriétés ? A moins que l’on ne puisse séparer les objets de leurs propriétés ?

Une telle investigation métaphysique nécessite un engagement réaliste solide et sans appel : « Il y a une structure ontologique de la réalité, indépendante de nos sens et de notre esprit, structure qui est la même pour le singes, les robots, les anges, les fourmis, les extra-terrestres (s’il y en a) et nous-mêmes[2]. » Le projet métaphysique défendu et développé dans ce livre s’appuie donc sur une idée que la métaphysique ne doit pas seulement traiter de questions merveilleuses, mais est au service d’un éclaircissement de la structure de la réalité.

Les propriétés des choses

Le livre est riche, multiple et purement métaphysique. La première partie consacrée à l’ontologie parle du lien entre objets et propriétés. Elle fait suite à un dialogue liminaire dans lequel Philotaxe et Doxophile se disputent sur la méthode à adopter en métaphysique. Dans une seconde partie où il est question de la perception, un chapitre passionnant (III) discute un argument de Jérôme Dokic contre les propriétés. Dokic au sujet de la perception, défend une certaine neutralité métaphysique. Pour lui, percevoir ne nous apporte aucune indication substantielle. Pour Nef, on perçoit des propriétés, et ces propriétés sont des particuliers. Un développement instructif est alors apporté à la fin de ce chapitre éclairant la combinatoire entre particulier, universel, instanciation et exemplification… Une troisième partie est consacrée à la logique.

Bref, ce livre vient prouver que « la métaphysique n’est pas morte », comme l’affirmait l’auteur lui-même dans son précédent ouvrage, Qu’est-ce que la métaphysique ? (Gallimard, 2002).

Mais pourquoi parler de la parution d’un livre de métaphysique dans un site consacré à la philosophie de l’esprit ? La réponse est que la philosophie de l’esprit n’est pas seulement concernée par l’analyse des concepts mentaux ou psychologiques. Des questions comme « L’esprit est-il distinct du corps ? » ou « l’esprit est-il une partie du corps ? » ou encore « la conscience est-elle une propriété du cerveau ? » sont des questions que seule la recherche métaphysique peut éclairer. La philosophie de l’esprit est, de façon inextricable, impliquée dans des problèmes métaphysiques. L’investigation des structures les plus fondamentales de la réalité, qu’est la métaphysique, a, dans le domaine de l’esprit, un rôle important à remplir. En effet, sans une conception cohérente de la réalité, les théories et toutes les observations des différentes sciences, ne sont-elles pas vouées à l’errance de l’incompatibilité ?

La métaphysique vivante, comme la pratique Frédéric Nef n’est donc pas un reliquaire contenant des rêves impossibles. Pour Nef, la réalité nous est accessible et le travail métaphysique reste un travail incontournable de l’enquête rationnelle.

Références

[1] P. 41.

[2] P. 310.

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