Une théorie robuste : l’identité esprit-cerveau

Première publication, octobre 2006 (révisée août 2015)

La théorie de l’identité initiée par Ullin Place (1956), Herbert Feigl (1958), John Smart (1959) et David Armstrong (1968), se comprend comme identité des types. Une telle identité signifie que lorsque nous identifions un état mental comme étant un état que nous associons à de la douleur par exemple, cet état est un genre d’activité du cerveau. L’occurrence de douleur n’est alors pas seulement identique à une occurrence d’évènement dans le cerveau, mais, ils sont du même type. Certes, nos concepts d’états mentaux comme la douleur, sont différents de nos concepts d’états neuraux, mais l’identité ne requiert pas l’identité de nos concepts. L’identité est ici entre les propriétés. De ce fait, si ressentir de la douleur est classé comme une propriété mentale, posséder cette propriété revient à se trouver dans un état de douleur. Maintenant, si cet état est un certain état neural, alors c’est aussi parce que la propriété de ressentir une douleur est identique avec une certaine propriété neurale. Ainsi la théorie de l’identité est une théorie de l’identité des propriétés.

Identité ne veut pas dire corrélation. Pour les tenants de la thèse de l’identité, que des états de conscience puissent être corrélées avec des processus n’aide en rien la compréhension. En fait, « dire qu’ils sont corrélés, c’est dire qu’il y a quelque chose ‘de plus’ » écrit Smart. Par conséquent, pour bannir toute idée de corrélation, la théorie affirme que les propriétés mentales sont identiques à des propriétés matérielles ou physiques. Ainsi Smart ajoute : « vous ne pouvez pas corréler quelque chose à lui-même. » L’étoile du matin ne peut être corrélée à l’étoile du soir. Autrement dit, identité et corrélation, s’excluent mutuellement : l’identité n’est pas la corrélation.

L’identité dont parle les défenseurs de la théorie, est donc une identité dans le sens strict. Si A et B sont strictement identiques, alors A est B. La référence de cette identité est calquée sur les résultats de la recherche scientifique. On a par exemple, découvert que la lumière est une décharge électrique ou que l’eau est H2O, etc. Les tenants de l’identité esprit-cerveau, pensent alors que la recherche sur le cerveau produira des résultats tels, que certaines propriétés que nous désignons en utilisant des termes mentaux, seront en fait des propriétés du cerveau. En effet, la théorie de l’identité consiste à étendre la stricte identité aux propriétés. Il n’est cependant bien sûr, pas question pour les partisans de la thèse de l’identité, d’avancer des identités que seule la recherche scientifique serait justifiée à produire, mais la thèse de l’identité offre la sorte d’interprétation suivante : en mentionnant des expériences de la conscience, nous mentionnons des évènements dans notre cerveau. Mentionner une propriété mentale revient à mentionner une propriété physique.

Alors que le béhaviorisme est une thèse qui, pour le dire grossièrement, ne considère pas l’esprit comme une entité, autrement dit, qui rejette l’idée que les états d’esprits sont des états internes des créatures qui les possèdent, la théorie de l’identité est, elle, une réponse ontologiquement sérieuse à cela. En effet, la théorie de l’identité, qui n’est pas moins matérialiste que le béhaviorisme, fournit une réponse alternative à une approche conceptuelle ou sémantique de l’esprit. La théorie de l’identité considère l’esprit comme un état interne qui n’est pas réductible au seul comportement. En installant ainsi une identité entre, d’un côté, les états mentaux et leurs propriétés, et de l’autre les états du cerveau et leurs propriétés physiques, elle assure à l’esprit une place vraiment robuste dans le monde physique. Trop robuste ?

Références

Armstrong, D.M, 1968, A Materialist Theory of Mind, London: Routledge and Kegan Paul.

Feigl, H., 1958, The Mental and the Physical, trad. Française, Le “Mental” et le “Physique”, Lafon C., Andrieu B., Paris, L’Harmattan, 2002.

Place, U.T, 1956, “Is Consciousness A Brain Process?”, British Journal of Psychology, 47.

Smart, J.J.C., 1959,  “Sensations and Brain Processes”, Philosophical Review, 68.

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1 Commentaire

  1. La géométrie « objective » des « objets » physiques (comme le cerveau) diverge nettement de la géométrie « subjective » des percepts visuels « subjectifs » … lapalissade !
    Il s’agit d’ailleurs, ontologiquement, du fondement de leur distinction (laquelle ne se limite d’ailleurs pas à cette évidence géométrique).
    Il ne peut y avoir identité entre les deux mais seulement corrélation partielle.

    L’expérience montre aussi qu’il n’existe même pas de relation bijective entre la structure neuronale cérébrale et la structure des percepts visuels, ce qui interdit logiquement toute conclusion « d’identité ».
    Le vocabulaire élémentaire distingue déjà ces notions … même chez les tenants de la thèse de l’identité.

    Avant d’aborder la notion « d’identité », ces théoriciens fantaisistes seraient bien inspirés de commencer par des cours élémentaires de géométrie et de logique.
    Il leur serait aussi loisible de se lancer dans une carrière d’humoriste … à moins que les avantages égotiques et financiers de tout auteur de pseudoscience leur suffisent.
    😉

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