Le problème de la causalité mentale : « Comment ? »

Première publication, novembre 2006 (révisée août 2015)

Ce que l’on nomme le problème de la causalité mentale naît de l’intuition prégnante que, dans notre relation au monde, il existe des cas indéniables d’occurrences de causalité, mettant en jeu certains états dotés de propriétés non physiques. Ainsi, ma croyance qu’il pleut pourra être citée comme cause de mon comportement qui consiste à me saisir d’un parapluie ou encore ma soudaine douleur au pied comme cause de ma grimace, contraction musculaire de mon visage. En l’occurrence, ces deux exemples sont des cas de causalité du mental au physique. Il peut bien sûr, à l’inverse, exister une causalité physique/mental, comme l’inhalation d’un parfum déclenchant un souvenir ou la piqûre d’un insecte provoquant une douleur. Enfin, la croyance que la maladie est écartée, qui produit un sentiment de joie et de soulagement ou le désir d’un exploit hors du commun qui génère une soudaine anxiété, seront des cas de causalité du mental au mental.

La question que pose ce genre de causalité est celle du « comment » de telles occurrences de causalité sont possibles. Si l’action volontaire implique de causer des mouvements physiques au moyen de nos croyances et de nos désirs, le problème de la causalité mentale est celui qui se pose, lorsque l’on soumet la question du « comment une chose pareille est rendue possible ? » Comment l’esprit parvient-il à créer des modifications dans le monde physique ? Comment une chaîne d’évènements physiques, composé de processus biologiques, peut-elle provoquer certains états de consciences ou encore faire émerger des sentiments?

Poser la question du « comment » revient à accepter et à prendre en compte l’intuition préliminaire, que les causes mentales ont des effets physiques.

Nous pourrions aussi ne pas nous concentrer sur le problème du « comment » de la causalité mentale et admettre celle-ci comme un fait brut. Une telle approche de la causalité pourrait alors se satisfaire d’une forme d’explication pratique, montrant qu’il existe un grand nombre d’occurrences, dans lesquelles le mental prend une part active[1]. On parlerait alors d’explication plutôt que de causalité. Par exemple, le souvenir d’avoir posé mes lunettes près du clavier de l’ordinateur, me fait me diriger vers mon bureau. Ce souvenir précis forme une cause mentale tout à fait respectable. Une telle explication en effet supporte bien l’énoncé contrefactuel suivant : « si je ne m’étais pas souvenu avoir posé mes lunettes près du clavier de mon ordinateur, je ne me serais pas dirigé vers mon bureau ». Cependant, parler en termes d’explication plutôt qu’en termes de cause pourrait bien nous conduire à escamoter la pertinence causale des propriétés mentales, pire, à dénier que les prédicats mentaux désignent de véritables propriétés.

Ainsi, si l’on peut admettre que les explications pratiques expliquent effectivement avec succès des phénomènes de causalité mentale ; on peut néanmoins se poser la question du « comment » une telle relation causale est rendue possible. Pour Kim, le problème de la causation mentale « est le problème de montrer comment la causalité mentale est possible, non si elle est ou non possible, bien que, ce qui se produit avec la question comment peut à la fin induire que nous reconsidérions notre position quant à la question si [elle est effectivement possible][2]»

Références

[1] Cf. Baker, L. R (1995) Explaining Attitudes, Cambridge University Press ; Burge, T. (1993) « Mind-Body Causation and Explanatory Practice », Mental Causation, John Heil and Alfred Mele, eds. Oxford: Clarendon Press, p. 97-120.

[2] 1998, Mind in a Physical World, Cambridge, Mass: MIT Press, p. 61.

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