Première publication, juin 2011 (révisée août 2015)
Le 5 mai dernier, Claudine Tiercelin donnait sa leçon inaugurale au collège de France. Une bonne nouvelle pour la métaphysique telle qu’on en parle dans ce blog. Le 14 juin, une journaliste du Nouvel Observateur écrivait un article à propos de l’événement, posant la question « Claudine qui ? » Rue d’Ulm, on serait stupéfait. Elle serait « l’inconnue du collège de France ».
Lorsque l’on travaille en philosophie, on peut cependant connaître et apprécier le travail important de Claudine Tiercelin et se sentir très loin de la French Theory dont on parle dans cet article.
Il est rarement fait écho dans ce blog de la divergence entre la philosophie de tradition analytique et la philosophie dite « continentale ».[1] Il demeure cependant bien difficile d’échapper à cette division. Mais disons deux mots seulement du fâcheux grésillement tout « hexagonal » qui, après lecture, persiste encore longtemps à l’oreille.
Dans l’article de l’hebdomadaire, la journaliste réverbère un bruit qu’on pourrait bien ne jamais entendre quand on fait de la philosophie, celui, spécifique, d’une certaine philosophie française.
Et si la philosophie n’avait que faire du pays d’où elle vient !
J’habite un quartier dans une petite ville de France, qui n’est même plus une sous-préfecture, à exactement 314 kilomètres de la rue d’Ulm. Quand je me rends à l’université, je m’en éloigne encore (352 kilomètres). Pour travailler, je lis les arguments d’une philosophie aujourd’hui « mondialisée ». Un débat initié à Sydney (Australie), poursuivi à Nottingham (Grande Bretagne) et auquel on répond à Grenoble[2] (France) continuera sa route vers Washington (USA)… Sur Internet, comme tous ceux qui s’intéressent à la philosophie contemporaine, étudiants, enseignants, ou qui travaillent en philosophie analytique, je navigue sur l’excellent site de David Chalmers et David Bourget, Philpapers là où l’on trouve des milliers de contenus en métaphysique, épistémologie, éthique, etc. Et lorsque je veux en savoir plus long sur la logique dans la philosophie indienne classique, je me rends sur la Stanford Encyclopedia of Philosophy. Ce ne sont là que deux exemples d’une effervescence philosophique qui se fiche bien de l’endroit d’où l’on vient. Mais si je le souhaite, je peux lire aussi des textes en français, des livres de chez Ithaque ou des articles de la nouvelle revue Igitur. Et ce ne sont là encore que deux exemples des avancées vraiment intéressantes du courant analytique en France.
Alors, si on tournait définitivement le dos à une conception géolinguistique de la philosophie ? C’est ce que nous propose Jacques Bouveresse dans une lettre ouverte au Nouvel observateur, réponse à l’article en question, sur le blog des éditions Agone.
Références
[1] Un bon livre de Hans-Johann Glock vient de paraître intitulé Qu’est-ce que la philosophie analytique, chez Gallimard (Folio).
[2] Je pense à ce formidable colloque organisé par Jean-Maurice Monnoyer, La structure du monde : Objets, Propriétés, Etats de choses, qui s’est tenu à Grenoble en 1999.