Le mental est-il une pseudo cause ?

Première publication, novembre 2006 (révisée août 2015)

La peur de fin du monde dont parle Fodor[1] (1989) fait suite à l’hypothèse que nos croyances et autres attitudes mentales pourraient être impuissantes à causer quelque chose dans le monde physique.

Ainsi, l’événement qui en cause un autre est à prendre très au sérieux. En effet, que serait un événement qui ne serait cause de rien ? Si un événement e1 est choisi comme étant la cause d’un autre événement e2, il semble que nous sommes prêts à donner quelque crédit à l’existence réelle de e1. L’épiphobie est ainsi engendrée par l’éventualité que nos croyances et autres attitudes mentales pourraient bien ne causer aucun événement dans le monde physique. Une telle crainte est alimentée par l’existence de certains processus causaux qui n’en sont pas.

Pour W. Salmon[2], un processus causal est un processus physique, semblable au mouvement d’une balle lancée dans l’espace qui transmet une marque de manière continue. Au premier abord, une marque apparaît comme une sorte de modification dans une structure. Par exemple, une rayure sur la carrosserie d’une voiture. Un processus causal est alors ce qui peut transmettre une telle marque d’un endroit à un autre. En revanche, un pseudo-processus causal, sera impuissant à transmettre cette marque. Ainsi, l’ombre projetée de la voiture dont la portière aura été rayée, ne transmettra pas cette marque, alors que le véritable processus, la transmettra d’un endroit à un autre. L’idée est que, si l’on essaie de marquer l’ombre en modifiant sa forme à un point, cette modification ne persistera pas. L’ombre de la voiture ne peut pas transmettre une telle marque. L’ombre projetée d’une voiture est un pseudo-processus causal, alors que le mouvement de la voiture est un véritable processus. Ainsi, un pseudo-processus causal s’oppose à un véritable processus, comme la succession des mouvements de l’ombre d’un objet mû sur un mur blanc, s’oppose aux mouvements authentiques de l’objet. Kim[3], quant à lui, évoque, le pseudo-lien causal entre les reflets d’une personne dans un miroir ou celui de la succession des symptômes associée à une maladie. Il s’agit dans ces cas, seulement d’une apparence de connexion causale masquant le véritable processus (la personne ou la cause du symptôme).

Un exemple de pseudo-processus causal est particulièrement bien illustré par la reproduction des traits phénotypiques dans la descendance. En effet, le phénotype est la forme visible du gène. C’est cependant le génotype des parents qui est à l’origine de leur phénotype. Mais la propriété, par exemple, d’avoir des yeux bleus, qui est un trait phénotypique, peut être invoquée comme propriété pertinente de la présence des yeux bleus dans la descendance. Le phénotype des yeux bleus des parents causant le phénotype des yeux bleus dans la descendance, est alors un pseudo processus causal. C’est la présence d’un gène particulier chez les parents qui cause la couleur des yeux des enfants.

Et si les croyances et autres attitudes mentales accompagnaient, à la façon de pseudo-processus causaux, les événements qui causent nos comportements ?

Références

[1] 1989, « Making Mind Matter More », Philosophical Topics 17: 59-79.

[2] 1984, Scientific Explanation and the Causal Structure of the World, Princeton: Princeton University Press.

[3] 1984, « Epiphenomenal and Supervenient Causation », in Kim, 1994, Supervenience and Mind, Selected Essays, Cambridge, Cambridge University Press, p. 92-108.

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