La relation causale singulière et la recherche de la propriété pertinente

Première publication, septembre 2008 (révisée août 2015)

La relation causale est souvent décrite comme étant une relation entre deux événements. Soit une relation causale R. Si l’on admet que les événements situés ailleurs dans l’espace et le temps n’entretiennent aucun lien avec l’occurrence de relation causale entre les deux événements, R est alors une relation causale singulière qui tient seulement en vertu du caractère intrinsèque de cette paire d’événements. Ainsi, par exemple, si je jette une petite bille de sodium dans une bassine contenant de l’eau et que cela cause une explosion, les événements similaires, qui se sont produits avant, n’exercent aucune influence sur cette occurrence de relation causale. Les vérifacteurs pour une assertion causale singulière sont donc les seules entités locales et intrinsèques de ces relations.

Faut-il aller chercher dans l’universalité ou la nécessité d’une loi de nature ce qui explique cette relation causale singulière ? Si l’on se pose vraiment la question du pourquoi un événement en cause un autre, il nous faut chercher dans l’occurrence de la cause ce qui explique l’effet.

Davidson dans un article canonique « Causal Relations »[1] défendit le caractère nomologique de l’explication causale : le fait causal implique l’existence d’une loi, autrement dit le fait causal singulier R est une instance de régularités. A l’opposée, E. Anscombe[2] (1971) montra qu’un événement pouvait en causer un autre sans que ceux-ci soient subsumables sous une loi causale. Pour elle, la loi de nature est tout simplement extérieure à cette relation.

Considérons la phrase suivante :

 La chaussure de Stephen écrase les coquillages[3].

Nous estimerons qu’elle est vraie en raison de certaines propriétés constitutives de l’événement. Parmi celles-ci, la propriété d’être une certaine masse, mais aussi certaines propriétés liées à la force et à la pression exercée par la chaussure, etc. Par contre, certaines propriétés, comme par exemple, que l’événement se soit produit le 16 juin 1904, ne seront pas prises en compte dans l’explication qui consiste, ici, à identifier la cause de la coquille brisée. Ainsi, l’explication d’un effet ne consiste pas seulement à se demander quel événement en est la cause, mais à identifier les propriétés responsables de l’effet.

Cette conception singulariste de la relation causale insiste sur le fait qu’une occurrence de relation causale n’est pas constituée par une généralisation. Ainsi, le vérifacteur pour un énoncé comme « l’aspirine soulage les maux de dents » est la relation qui tient seulement entre les caractéristiques intrinsèques de cette dose d’aspirine et de son effet sur ce mal de dents. Le point de vue singulariste, en s’opposant aux théories régularistes de la causalité reconnaît donc comme vérifacteur pour un énoncé causal la seule relation dyadique d’événements. Ainsi, si l’on suit l’approche singulariste de la relation causale, il apparaît que ce qui dans un événement exerce à un moment donné sur un objet une influence causale est une propriété particulière de cet objet.

Mais alors, d’où vient ce pouvoir causal des propriétés ?

Références

[1] 1967 « Causal Relations », Journal of Philosophy, 64, p. 691-703, trad. française P. Engel, Actions et événements, Paris, P.U.F., 1993.

[2] 1971, « Causality and Determination », in Sosa et Tooley, 1993.

[3] « Stephen ferma les yeux pour entendre varech et coquillages s’écraser craquant sous ses godillots », James Joyce, Ulysses, 1922, trad. 2002, p. 52.

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