Le complot des analytiques français selon Juliette Grange – la réponse de Frédéric Nef

Première publication, juin 2014 (révisée août 2015)

Dans le numéro de Mai de la revue Cités (58) d’un deuxième volet consacré à « la philosophie en France aujourd’hui », Juliette Grange de l’Université de Tours, esquisse un portrait pour le moins discutable de l’état de la philosophie analytique en France. Frédéric Nef, de l’EHESS, lui répond et rectifie le tir.

cité 58

« Et voilà pourquoi votre fille est muette »[1].

Réponse à Juliette Grange[2]

 

Le chemin narratif (on ne peut parler d’argumentation) du texte de Juliette Grange, qui fait partie de ceux qui précèdent un dossier sur la philosophie française[3], est le suivant : la philosophie analytique de Frege, Russell, et du cercle de Vienne promeut une logique et une épistémologie rigoureuses (en gros positiviste). Cette philosophie analytique, après une série de péripéties, tombe sous la coupe de la théologie et perd tout son tranchant critique. C’est cette philosophie analytique qui serait importée en France au début des années 2000 et qui liquidera les deniers restes de la ‘philosophie des sciences à la française[4]’. Je ne discuterai à fond pas ce récit assez fantastique : il faudrait de l’espace et de l’énergie plus que je n’en ai : devant tant de suffisance et d’ignorance, que faire, sinon dominer son amertume ? Cette conception de l’histoire de la philosophie sur le mode du complot mondial[5] relève clairement d’un trouble dont il n’y a rien à dire.  Par contre je voudrais essayer de rectifier quelque peu l’image de la philosophie analytique française telle qu’elle se dégage de ce chaos et au passage montrer l’absurdité des accusations intellectuelles qui sont portées contre moi[6].

Tout d’abord, conseillons à Juliette Grange  de mettre à jour ses connaissances en se mettant au courant de l’état actuel de la philosophie analytique[7]. Elle verrait que  la métaphysique qui est sa bête noire (en bonne comtienne[8]) n’est pas dominante et que la philosophie morale et politique est loin d’être dominée par les religieux (que l’on pense à Peter Singer et en général aux naturalistes, évolutionnistes ou pas, utilitaristes ou pas).  Il faudrait aussi qu’elle comprenne pourquoi une partie de l’ontologie analytique rejette les substrats et donc les substances,  et accepte une ontologie de propriétés particulières, ou tropes, comme en partie David Armstrong [9]! Quand on utilise l’expression « néo-thomiste[10] » à mon propos on vise en fait ce que l’on a longtemps appelé la philosophie aristotélico-thomiste qui admet évidemment la substance. Dans la philosophie empiriste, contrairement à ce que semble penser Julliette Grange,  un Locke a maintenu l‘emploi métaphysique de la substance, et David Wiggins récemment a renouvelé la discussion sur la substance lockienne. De plus le fait que l’on soit réaliste n’implique pas forcément que l’on soit thomiste : David Lewis est un exemple de réaliste non thomiste[11] ! Ce serait la même chose pour Jacques Bouveresse[12] ! Par contre des anti-réalistes, comme Dummett, peuvent être théistes[13].

L’image de la philosophie analytique que cherche à véhiculer cette thuriféraire de la politique d’Augsute Comte  est celle d’un impérialisme logique et théologique au service d’un impérialisme culturel et politique. Les domaines empiriquement délimités, comme la philosophie de l’esprit ou l’ontologie sociale sont dénigrés par manque de connaissance et l’esthétique analytique est passée sous silence[14], sauf pour la réduire à un normativisme simpliste. Par exemple, par souci de système quasi délirant, l’ontologie sociale est présentée comme du côté de la substance (et donc du côté des théologiens). Or notre livre, à Pierre Livet et moi-même (Les êtres sociaux[15])  dès le début et sur près de 500 pages s’efforce de montrer que l’on peut penser les objets sociaux (comme les billets de banque, les cérémonies de mariage, la division simple du travail etc.) comme des réseaux d’interactions et de substitutions. Juliette Grange s’embrouille lamentablement  sur le constructivisme et le réalisme : en  fait ce livre critique explicitement un type de constructivisme, pragmatique et wittgensteinien, et prône un semi constructivisme, car ce qui est soutenu c’est un réalisme des processus, bien loin du réalisme aristotélicien (dont le réalisme thomiste est un prolongement).

L’image que se fait Juliette Grange de la philosophie analytique française est celle d’un noyau théologique dur, irradiant dans tous les domaines. Je ne sais ce qui relève  de l’illusion ou de l’inquiétude véritable dans cette présentation. Normalement la philosophie est un domaine où l’émotion n’a pas bonne presse, ici on a affaire à un délire qui s’appuie en tout et pour tout sur deux livres, dont l’un  sur l’industrie du tabac (les philosophes analytiques prennent des leçons de mensonge de ce côté là).  Mais comme la religion est l’opium du peuple, ce qui vaut pour les manufacturiers du tabac vaut pour les théologiens analytiques.  Or (ici quelques mots sur la philosophie américaine sont nécessaires) les orientations de la théologie rationnelle américaine (et anglaise), ou tout simplement de la philosophie de la croyance, sont extrêmement différentes[16]. L’esprit analytique qui vise à la confrontation argumentée de points de vue différents règne aussi dans ce domaine. J. Grange ne mentionne pas le courant d’explication naturaliste des phénomènes religieux, qui certainement l’emporte sur le courant qu’elle critique. Par exemple les travaux de Pascal Boyer[17]. Si elle en avait tenu compte son pseudo-raisonnement se serait effondré encore plus vite : la philosophie analytique ne véhicule pas forcément le créationnisme, l’obscurantisme, pour reprendre ses propres termes.  Mais peut-être qu’un vieux fond spiritualiste bergsonien la détourne du naturalisme !

Quant à ce « colloque fermé de Genève ». D’où tient-elle ses informations ? Comme toujours du ouï-dire (et je dirai du ouï-lire !). Il se trouve que j’ai participé à cette rencontre ultra-secrète : j’ai délivré un exposé sur la simplicité divine[18], car je pense que l’attribution à Dieu de la simplicité pose des problèmes quasi insolubles (Madame Grange pourra le lire sur internet dans la revue en ligne Théorèmes). A cette rencontre participaient Wolterstorff, un philosophe qui a écrit un livre sur les universaux[19], et Swinburne un philosophe anglais spécialiste de l’application des probabilités bayésiennes aux raisonnements théologiques[20].  C’était je peux en témoigner une rencontre philosophique parfaitement ouverte et dont l’originalité était d’inclure deux ou trois théologiens institutionnels (vu le sujet c’était assez normal !).  Parmi les orateurs se trouvait mon ami Pascal Engel qui, je crois, a toujours professé un agnosticisme radical, pour ne pas dire plus.

Autour de ce noyau théologique dur qui comme l’industrie du tabac veut exporter des substances dangereuses en les camouflant ignominieusement[21], se trouve, si je comprends bien sa topologie (la topologie remplace l’argumentation), il y a l’institut Jean-Nicod, dont elle ne dit  pratiquement rien, curieusement, et auquel j’appartiens en tant que membre de l’EHESS. Ses membres principaux ne sont pas nommés ; une seule explication : cet institut est vu comme un antre diabolique, repaires de démons anonymes. A moins que Juliette Grange n’ait lu quoi que ce soit qui permette de juger de cet institut. C’est dommage car encore une fois tous mes membres ont écrit, à côté d’écrits scientifiques, la plupart en anglais, des livres plus faciles à lire, en français comme la philosophie du langage de Recanati[22], la philosophie de la volonté de J. Proust[23] (excellent pour détruire ses préjugés) ou le petit livre J. Dokic sur la perception[24].  L’image que Juliette Grange se fait de cet institut est absurde : il dépend de l’EHESS et de l’Ecole Normale, ses financements viennent du CNRS et de la communauté européenne. L’expression « cheval de Troie » de l’Amérique trouve ici ses limites. L’Institut Jean-Nicod est plutôt un cheval de Troie de la philosophie des francophones dans les pays de langue anglaise.

La philosophie analytique française n’est pas née dans les années 2000. On pouvait suivre dans les années 70 et 80 au Collège de France des séminaires de Ducrot (sur Reference and Generality de Geach) et Vuillemin sur des auteurs analytiques.  Il n’y pas comme Juliette Grange veut le faire croire une bonne philosophie analytique (Bouveresse, décrit comme un idiot utile se faisant manipuler) et une mauvaise (Engel, Nef). Pascal Engel est un élève de Vuillemin, et quant à moi je me flatte d’avoir été son ami (on aimait bien discuter de l’obéissance).  Etant continuiste en histoire des sciences, je le suis aussi en histoire de la philosophie et j’aperçois un fil continu des écrits de Vuillemin sur Russell, de Bouveresse sur Wittgenstein, jusqu’au développement de la philosophie analytique française actuelle.  L’épistémologie analytique n’a pas été abandonnée, comme Juliette Grange le prétend,  et elle reprend une grande partie de l’épistémologie de Duhem, Meyerson etc., la logique malgré son état vacillant n’a d’ailleurs totalement pas disparu. Grange note curieusement que la logique a changé de nature, qu’elle a abandonné son tranchant déductif pour un pur discours. Là, conseillons lui de lire de texte de Van Heijenoort : « Language as language and language as calculus[25] », elle verrait que la logique depuis Peirce et Schröder se divise en logique déductive, théorie de la preuve,  et sémantique, théorie des modèles. Un philosophe comme Vincent Descombes a développé la philosophie analytique de l’action, dans une lignée à la fois aristotélicienne et wittgensteinienne – Juliette Grange devrait lire Trois Philosophes qui vient d’être traduit , de Anscombe et Geach[26]. Les métaphysiques modales sont l’objet d’une querelle intéressante (entre Chauvier, farouchement contre[27], et un noyau de jeunes philosophes,– voir le dossier de 400 pages sur David Lewis dans Klesis, sur internet ). C’est dans ce contexte qu’il faut situer le travail sur les croyances religieuses, les normes afférentes à ces croyances. Est-ce que la neutralité philosophique devrait aller jusqu’à céder tous les terrain de ces croyances aux théologiens d’église, en se réfugiant dans un scientisme inexpugnable ?  Je ne le crois pas, et ce serait une conséquence paradoxale  du rationalisme, de se désarmer devant l’ennemi, le fanatisme et l’obscurantisme.  Je pense que la stratégie cognitive qui consiste à discuter philosophiquement de la croyance religieuse est plus rationnelle, surtout à un moment où effectivement nous sommes menacés par le fidéisme et le radicalisme anti-intellectuel.

Je me suis abstenu de relever toutes les erreurs factuelles ou délibérées. On pourrait dresser une longue liste, mais on saisirait pas à partir d’un simple relevé des erreurs la mécanique non de la preuve mais de l’accusation. Je n’ai souhaité qu’opposer à un récit fantasmatique un peu de complexité et d’aménité (en espérant que la science rende à la fois intraitable  et bienveillant, ce qui est un équilibre difficile). Je ne pense pas que l’ignorance soit une bonne base pour l’attaque polémique. En effet cela produit essentiellement une perte de temps, du côté de celui qui écrit et de celui qui répond.

Signalons pour finir, en guise d’exemple de mélange d’erreur factuelle et de préjugé violent,  à notre auteur frénétique que Brentano a été défroqué, et qu’il était un profond admirateur d’Auguste Comte. Quant à Bolzano[28] nul n’ignore ses ennuis avec l’autorité ecclésiastique à cause de ses opinions politiques. L’expression méprisante « prêtres analytiques », proche du racisme intellectuel, s’applique donc mal ici.

 Nous ne sommes ni un syndicat, ni une cinquième colonne, ni une mafia, je ne sais pas précisément qui est analytique et qui ne l’est pas, je ne souhaite donc pas présupposer un dogmatisme de groupe en rejetant implicitement le positivisme, qui a après tout des vertus, quand il est manié avec tact et ma réponse  qui reste nécessairement individuelle, n’emprunte pas les  chemins qui sont les siens de la simplification et de l’outrance. Comme l’a montré inlassablement  P. Engel[29], et comme Vincent Descombes nous en a donné l’exemple,  la philosophie analytique repose sur des normes de clarté, d’objectivité et de modestie et ne saurait aboutir à un sectarisme.  L’attaque de Juliette Grange est tout simplement mal dirigée et il lui manque des biscuits. Ce qu’elle attaque n’existe pas : la grande conspiration religieuse des analytiques français est un mythe.

Frédéric Nef

EHESS

Références

[1] Le Médecin malgré lui, acte II

[2] « De la philosophie française des sciences à la philosophie analytique à la française » Cités, n°58, mai 2014, p. 13-37.

[3] C’est en fait le volume 2 d’un panorama sur la philosophie française, consacré grosso modo aux seniors.

[4] S’il ne fallait qu’un contre-exemple, celui de Jean-Louis Gardies suffirait, pour montrer que la contradiction entre les deux types de philosophie française (épistémologique classique et analytique est absurde. Gardies a été à la fois un historien et philosophes des sciences (écrits sur Eudoxe, Pascal …) un phénoménologue (écrits sur la théorie husserlienne des normes …) et un philosophe analytique (il paya cette dernière stigmatisation d’un long exil en province) qui écrivit l’admirable Esquisse d’une grammaire pure, traduit en anglais par K. Mulligan, et qui s’appuie à la fois sur Frege, Husserl, Carnap (le monstrum horrendum des philosophes de la vie et de la subjectivité !). Ce livre a fait tomber des écailles aux yeux de toute une génération. Quand j’ai écrit L’objet quelconque, son ouverture a été pour moi un modèle, mais hélas son style est plus clair que celui de ce livre.

[5] Le complot mondial dans la meilleure tradition de l’anti-américanisme consiste à lier impérialisme économique et impérialisme culturel. Ce n’est pas la première fois qu’on m’accuse par le biais du second de travailler pour le premier (voir la fin du texte)

[6] Je ne prétends certes pas être le plus attaqué, c’est un honneur que ne pense pas à m’attribuer. Quantitativement c’est Pascal Engel qui tient la palme, mais je suis tout de même attaqué sur deux points fondamentaux : l’ontologie sociale et la logique, dans les deux cas en rapport avec le réalisme. (voir plus bas)  J. Grange fait de Pascal Engel et moi des « porte drapeaux de la philosophie analytique française ».  Un porte drapeau est celui qui porte le drapeau d’un régiment. Alphonse Daudet dans ‘le porte drapeau’ a bien décrit  le passage du drapeau d’un porte-drapeau à un autre dans une bataille, celui-ci étant une cible favorite de l’ennemi (« Le porte drapeau » in Contes du Lundi).

[7] Le livre de Glock Qu’est-ce que la Philosophie analytique (Gallimard, Folio, 2012) que j’ai traduit, présente très bien, d’un point de vue wittgensteinien et plutôt germanique l’état actuel de la philosophie analytique, y compris avec des considérations (plus mesurées que celle de J. Grange) sur la philosophie analytique francophone (c’est une absurdité de parler de « philosophie analytique à la française » : d’ailleurs à plusieurs reprises Kevin Mulligan, un anglais qui enseigne à Genève, est attaqué). Il est au courant notamment des sociétés (exemple : la SOPHA, 300 intervenants au dernier colloque à l’ENS), des congrès etc. et il note la moindre organisation des français par rapport aux allemands dans ce domaine (mais c’est un trait qui n’est pas particulier à la philosophie analytique).

[8] Il est fascinant de voir comment une universitaire qui a écrit sa thèse sur Auguste Comte (soit dit en passant un auteur fort religieux, qui a composé des offices à la disparue, un calendrier positiviste, grand prêtre de la religion de l’humanité etc. ) reproduit à gros traits certaines des attaques du positivisme logique. Tout ceci nous ramène loin en arrière. Dans Qu’est-ce que la métaphysique ?  (Gallimard 2005) j’ai écrit 200 pages (celles de la fin) sur l’émergence de la métaphysique analytique à partir des travaux en logique modale de Kripke et de l’école finlandaise. Je ne reviens donc absolument pas là dessus.

[9] Le livre de Varzi Ontologie (Editions Ithaque, 2010) contient tous les renseignements, de manière ramassée. Dans Les propriétés des choses (Vrin, 2006) j’ai longuement discuté du fait de savoir si les tropes peuvent être perçus.

[10] Cette expression provient d’un contexte historique de redécouverte de la philosophie de Thomas d’Aquin, dans la lignée de la redécouverte elle-même d’Aristote, notamment par Brentano et Trendeleburg, sous l’impulsion du pape Leon XIII, dans une Encyclique restée célèbre. Furent appelés néo-thomistes les philosophes (Maritain, en partie Gilson..) et théologiens (Garrigou-Lagrange, cf.le cardinal Zingara en Italie qui a lu contre l’ontologisme, assez fort en France …) qui ont donné une substance intellectuelle à ce retour à Thomas, et plus généralement à ce qu’on appelait ‘philosophie aristotélico-thomiste’ (surtout en Allemagne).  Actuellement le paysage a bien changé et le thomisme analytique (cf. R. Pouivet) qui étudie l’Aquinate avec les instruments analytiques ne saurait être identifié au ‘néo-thomisme’. Visiblement J. Grange ne connaît pas bien ce contexte et son attaque porte à faux.

[11] En effet D. Lewis, « le plus grand des métaphysiciens depuis Leibniz » (Mark Johnston, Princeton) est un réaliste modal, ce qui signifie qu’il accepte un engagement ontologique envers des entités possibles, comme des individus ou mondes possibles. Mais il était apparemment athée (là dessus voir les travaux en cours de mon étudiant Michele Sambileni, sur la base de documents et de manuscrits inédits (partie d’une biographie à paraître sur Lewis)). Un extrême réalisme n’implique donc nullement le théisme. Le réalisme est modulaire : on peut être réaliste pour les mondes possibles et non réaliste pour Dieu !

[12] Le tome 1 de son ouvrage sur la perception seul paru à ce jour, contient tous les éléments de ce réalisme.

[13] Il est vrai que, autant que je sache, Dummett a gardé séparé son œuvre de philosophe et ses interventions de théologiens. Il pensait l’intuitionnisme plus compatible avec le respect que nous devons avoir pour la divinité ;

[14] C’est dommage, car si J. Grange avait lu Philosophie du Rock de R. Pouivet (PUF, 2010) elle aurait vu le lien entre ontologie des artefacts et ontologie de l’art – elle aurait saisi que la philosophie analytique est à la fois modulaire et relationnelle.

[15] Hermann, Paris, 2010.

[16] Naturellement il existe de nombreux livres opposés à la théologie philosophique. Le livre de Roger Pouivet Epistémologie des croyances religieuses, Cerf, 2013, contient toutes les informations les plus à jour sur ces débats. On y apprend, ce qui intéresserait notre épistémologue, qu’il y a un lien entre l’épistémologie de la vertu (virtue epistemology) de Sosa et Greco, deux immenses philosophes des sciences, et l’épistémologie des croyances religieuses. R. Pouivet se demande si le croyant est « épistémologiquement vicieux » ce qui ne veut nullement dire, comme le suggère Juliette Grange que pour Roger Pouivet tous les incroyants soient des vicieux ! On peut se référer à l’entretien dans Théorèmes (sur internet) avec J. Bouveresse sur ces questions, où ce dernier reconnaît aux interrogations de R. Pouivet un sens, même s’il n’en accepte pas les conclusions.  C’est très exactement ce que permet la philosophie analytique : un désaccord rationnel, un bon antidote à l’accord irrationnel des fanatiques. Sur la théologie philosophie confrontée aux sciences (physiques, biologiques) voir God and Design. The Theological Argument and Modern Science, Neil Manson éd., Routledge, 2003, qui contient par exemple à la fois un texte du philosophe évolutionniste Sober et de Swinburne, et qui présente un bilan collectif mesuré. Le degré de professionnalisme de ce livre laisse rêveur … et envieux.

[17] La religion comme phénomène naturel, Bayard, Paris, 1997. Et l’homme créa les dieux, Gallimard, Folio, 2003. Dans le premier de ces deux livres, on peut se référer au chap. 4 « Ontologies naturelles et inventaire surnaturel » (p. 115-148), un essai d’ontologie naturaliste.

[18] A paraître dans la revue en ligne Théorèmes.

[19] Universals, mais aussi : Practicies of Belief, Cambridge University Press, 2008, ce qui prouve qu’on peut-être un (excellent) métaphysicien et un (très bon) théologien !

[20] En français : Y a-t-il un Dieu ?, Ithaque, Paris, 2009. Trad. Paul Clavier. Voir le chapitre IV sur Dieu et l’ordre de la nature.

[21] J. Grange se réfère à : Naomi Oreskes et Erik Conway  Les marchands de doute. Ou comment une poignée de scientifiques ont masqué la vérité sur des enjeux de société tels que le tabagisme et le réchauffement climatique,  trad. fr. Le Pommier, 2012. La note 80 contient de multiples contre-vérités sur l’historien de la topologie, J-C. Pont, P. Engel, le GIEC, mais on ne peut tout rectifier (on peut noter toute de même la technique stalinienne de l’amalgame : P. Engel a été collègue d’un anti GIEC, donc c’est un salaud sartrien, technique qui évidemment repose sur des erreurs volontaires : J-C Pont n’a jamais été un ‘philosophe analytique’ mais plutôt un excellent représentant de cette philosophie des sciences à la française dont J. Grange chante la disparition, sous les coups des hordes yankees. )

[22] Philosophie du langage(et de l’esprit), Gallimard, Folio, 2008

[23] Qu’est-ce que la volonté ?, Gallimard, Folio

[24] Qu’est-ce que la perception ?, Vrin

[25] Accessible par Jstor, sinon repris dans Selected Essays, Bibliopolis, Naples, 1985. J. Van Heijenoort qui a été le secrétaire de Trotsky, a été tué par sa quatrième femme. Il existe une correspondance entre P. Engel et J. van Heijenoort qui cultivait ses amis parisiens. Il existe une merveilleuse biographie de ce logicien : Anita Burdman Feferman : From Trotsky to Gödel : The Life of Van Heijenoort, A.K. Peters, 2ème éd. 2010.

[26] Editions Ithaque, 2014, F. Loth et D. Berlioz trads., préf. De F. Nef.

[27] Le sens du possible, Vrin, 2010.

[28] Bolzano a été ordonné prêtre en 1804, mais il fut exclu de l’université en 1818 et perdit beaucoup plus tôt le soutien des autorités ecclésiastiques à cause de ses positions sur la guerre et l’armée. Brentano a quitté la prêtrise en 1874 et l’Eglise en 1879, à cause de son opposition au dogme, récemment promulgué par Pie IX, de l’infaillibilité pontificale. En 1883 vu son statut et désirant se marier il dut quitter l’université et il a vécu, progressivement aveugle,  en Italie

[29]  La dispute mérite toujours une relecture : l’alacrité ne vieillit pas, ni la bonhomie.

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